terça-feira, 23 de abril de 2013

Tournage

Les phalanges creusées des longs doigts maigres se replient sur le lourd tissu opaque du rideau, qui frémit puis s’incurve en ombres drapées ; le personnage écarte le rideau et son visage apparaît, émacié, les traits encore plus accusés dans leur encadrement d’ombre et de lumière ; l’arête du nez rehaussée d’une mince ligne lumineuse surgit d’un triangle sombre avalant les orbites et s’étirant sinueusement jusqu’aux joues ; les limites floues du visage sont mordues irrégulièrement par les ombres portées des ramifications des plantes, dentelures hachées comme des pinacles se découpant sur le bleu uniforme intense du crépuscule pendant que la cathédrale se massifie dans l’ombre, la délicate préciosité des gâbles et des voussures de plus en plus en retrait, noircies, quelques reflets éblouissant encore, accrochés à un vitrail rougi, éclat tremblotant un instant puis s’éteignant brusquement, gris : l’image est en noir et blanc. Le personnage referme délicatement sa main autour de la gâchette d’un arrosoir qu’il soulève avec délicatesse et asperge les feuilles de fines gouttelettes (glissant, accrochant des éclats de lumière blanche). Le personnage soudain esquisse un léger sursaut et ses yeux tressautant sur la droite apparaissent un instant immensément blanc. Il pose l’arrosoir et se tourne, puis s’éloigne, dans l’image toujours limitée à droite par le rideau et striée par le délicat entrecroisement des plantes apparaît un bureau aux minces pieds élancés sur lequel repose un téléphone à l’ancienne (le cadran arrondi qu’il faut faire tourner de l’index et qui chaque fois revient dans le même irrégulier et aigu cliquettement) dont le personnage tient maintenant l’écouteur, écoutant, disant
allo
oui
oui
le cinq mars ?
tâtonnant de la main sur le bureau se saisissant d’un stylo ouvrant
à six heures ?
un carnet de moleskine noir d’où dépassent quelques feuillets feuilletant un instant
très bien
faisant glisser du pouce le capuchon du stylo tombant roulant s’immobilisant au creux de la double page ouverte griffonnant quelque chose sur l’une des pages
c’est noté
faisant tourner le stylo entre ses doigts pour libérer
merci
le pouce et l’index attrapant
au revoir
le capuchon – l’autre main reposant le combiné prenant le capuchon refermant reposant le stylo s’éloignant du bureau, son visage de nouveau accusé d’ombre et de lumière, ses yeux à peine distincts sous l'arcade en saillie du sourcil suivant les gouttelettes d’eau projetées par l’arrosoir, glissant le long des feuilles le long des nervures, délicatement, striant le cadre, accrochant des éclats fugaces de lumière, disparaissant

[coupez !]

Et la pièce ne fut non pas envahie de lumière mais de quelque chose d’aussi visible mais d’aussi plus palpable, quoiqu’immatériel ; un mouvement subit surgit de chaque partie de la pièce ; respirations retenues relâchées ; explosion silencieuse et chaleureuse d’énergies contenues. Aussitôt : ça donnait quoi au son ? – elle est bonne – tu n’as pas eu l’avion ? – si au début, on peut arranger ça – au cadre ? – je veux bien la refaire – ok, on enchaîne ! – [A] ? – oui ? – au jeu ? – c’était bien, un peu moins lent au début si tu peux André, tu sais, regarder moins longtemps les plantes ? – oui – tous en place ! – le rideau ?
Quelqu’un va replacer le rideau en se faufilant entre les pieds des projecteurs et en enjambant les câbles entrelacés (comme ça ? – encore un peu... top ! c’est bon !) ; se faufilant de nouveau dans l’autre sens après avoir refermé replacé (le carnet) (sur le bureau) (le stylo), câbles, projecteurs, entrebâillement noir où s’engouffrer ; derrière par contraste avec tous les éclats de lumières il fait sombre, il est difficile de discerner l’acteur attendant immobile, tête penchée vers le sol, ramassé sur lui-même, de faire son entrée ; l’obscurité encore plus assombrie quand [M] se découpe à son tour dans l’entrebâillement pour se frayer un passage jusqu’à la caméra, tenant le clap d’une main une craie dans l’autre, effaçant du revers de la main un chiffre inscrit à la craie, il dit
tout le monde en place
écrit un chiffre sur l’ardoise met la craie dans sa poche, dit
son demandé
ok
moteur demandé
ok
séquence une premier plan troisième
écartant du clap la baguette inférieure striée noire et blanche la relève vivement puis l’écarte dès que le son sec a retenti ; et de nouveau il évite les projecteurs et les câbles, se découpe dans l’ouverture du rideau, le plancher craque sous ses pas, il s’immobilise dans une position d’acrobate suspendu comme pour combattre la pesanteur, son poids, aérien sur son fil jusqu’au bout [action] de la prise [l’acteur lève la tête et se dirige vers l’échancrure lumineuse du rideau], tous les muscles tendus dans cette [il pénètre dans la pièce on entend] position qu’il ne s’agit plus maintenant de quitter [ses pas sur les carreaux puis] afin de ne pas risquer de produire [le froissement de tissu du rideau écarté] un craquement intempestif ; attentif au moindre bruit : [puis le silence] grondement indistinct des [quelques instants] voitures, criaillement d’un enfant, [brusquement rompu par] grincement [le bruit de l’eau] d’une grille, craquement du plancher, gargouillement des ventres, [projetée, les gouttelettes heurtant les feuilles] respirations retenues [puis cessant] exhalées lèvres à demi ouvertes pour opposer au souffle [un bref frottement] une résistance minimale, tous suspendus au même fil [de tissu, des pas] de silence, attentifs [de nouveau] aux mêmes froissements d’étoffes [une chaise heurtée crissant doucement contre le sol en même] figés comme des statues nimbées de la lueur grisâtre de l’écran. [temps que retentit nettement le tintement du téléphone] [A] fixe intensément [décroché] les images, et la pâleur de son visage [allo] s’assombrit derrière [oui] l’ombre du casque qui [oui] lui couvre les oreilles comme un trait d’encre de chine [un froissement de papier], à ses côtés [le cinq mars] surgissent des visages [à six heures] attentifs comme dans ces films de guerre où [le frottement indistinct et irrégulier du stylo] le noir envahit l’écran au point qu’il n’est plus possible de discerner si le film est ou non en couleur, le son seul, – [très bien] des roucoulements d’oiseaux nocturnes, des cliquètements [c’est noté] d’élytres d’insecte frottées l’une contre l’autre, [merci] des froissements de feuilles, l’écoulement de l’eau – soutenant l’attention [au revoir] du spectateur enfermé dans la même moiteur obscure que [choc et tintement] l’écran, [du récepteur] il croit [reposé] percevoir une reptation, [pas] mais c’est lorsque ses sens surexcités transmettent des impulsions immédiatement [gouttelettes] surinterprétées (là sur la droite ce frottement ce craquement [gouttes] au fond cet éclat de lune occulté par le balancement [silence] d’une feuille est-ce le vent ?) qui dispersent son attention, la rendent sautillante d’un point à un autre, ne faisant plus la distinction immédiate entre le haussement d’épaule du spectateur voisin, le craquement du plancher, le froissement d’étoffe le frissonnement des feuilles et là : au premier plan le visage argenté par la lueur de la lune d’un soldat, mangé par l’ombre du casque qui ne laisse briller que les prunelles et l’éclat carnassier des dents que les lèvres tremblotantes laissent apercevoir par [coupez] saccades.

Mariage Homo #1

"Si je comprend bien, les anti-mariage gay ont peur que les enfants adoptés soient traumatisés par les moqueries des anti-mariage gay ?" (http://enfantsdhomos.tumblr.com/soutien)
« Socialisme, dictature ! »
« Libérez nos camarades ! »
« Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’hétéros ! »
(http://www.rue89.com/2013/04/22/crs-a-barbes-veillee-invalides-les-les-jeunes-cathos-droite-241699)