Déjà dans L'adorable
Voisine (1958), Richard
Quine pratiquait avec humour l'auto-dérision en associant son nom
avec la statuette la plus minuscule du générique. Il en profitait
aussi pour récupérer le couple Novak/Stewart qui s'aimaient
vaporeusement dans l'univers quotidien de Vertigo
(1958 idem),
histoire d'inverser les choses et de placer dans un univers magique
et incroyable des amants enfin palpables.
Quelques années plus
tard, Quine ne se joue plus d'un film mais de l'intégralité du
système hollywoodien. Il faut dire que la décennie méritait un
retour, et qu'entre la fin de l'âge d'or et le renouveau du nouvel
Hollywood il y avait à faire. Et puis la Nouvelle Vague française
inspirait beaucoup – l'action se situe donc, comme le titre anglais
l'indique (Paris When it Sizzles), à Paris.
Audrey Hepburn joue une
simple secrétaire, engagée par William Holden pour taper le
scénario auquel il est supposé travailler depuis des mois alors
qu'il n'a que des feuilles blanches à lui proposer à son arrivée.
Mais qu'importe : un peu de persuasion suffit, et sous les yeux
émerveillés de la jeune dactylo il ne fait bientôt aucun doute que
le garçon et la fille se rencontrent en page quatre, que le premier
rebondissement a lieu en page six et le premier baiser en treize. Il
suffit de remplir les pages blanches étalées par terre dans un
soucis de précision géographique et temporelle.
C'est bien plus drôle
qu'un film de la Nouvelle Vague, nous confiera Audrey qui en a tapé
d'autres.
Les deux personnages
s'attellent donc à la tâche, et de retours rapides en
rebondissement, de ratés en propositions loufoques, ils tâchent
d'écrire le fameux scénario. Ils s'y mettent en scène, un peu,
puis beaucoup. Ça passe par tous les genres hollywoodiens, et Audrey
avinée ira jusqu'à proposer d'être poursuivie par un vampire avant
de s'échapper en avion... Holden, lui, renonce dès le début à
remplir un Paris du quatorze juillet avec des inspecteurs en
gabardines, mais il ne rechigne pas à ce que son héros s'aventure
sur les plateaux désertés d'un studio français pour y voler les
bobines d'un film prêt à sortir. On a donc droit à la traversée
de la jungle emplie de bêtes féroces et, censure oblige, à la
partie de tric-trac survenant immanquablement au moment où le héros
allait se jeter sur le lit avec une héroïne peu vêtue.
Scénario ficelé avec
adresse qui s'interroge sur le credo hollywoodien : pour ne citer que
Minnelli, « le monde est une scène, et la scène est un monde
de divertissement ». Mais si chez Minnelli on est heureux en
faisant le clown, chez Quine la réalité quoiqu'animée par la
fiction prévaut. Unfaithfully Yours proposait la même
chose : passer par la thérapie de la fiction pour reconnaître que
la réalité a ses bons côtés. Chez Quine, l'amour prévaut aussi,
et basé sur l'illusion il finit par voler de ses propres ailes.
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