Ce court livre, édité chez Le Bec en l'Air dans la collection
Colatéral, et regroupant donc sous une couverture élégante textes et
photographies, est le résultat d'un atelier d'écriture monté en
Seine-Saint-Denis par Maylis de Kerangal. Trois récits distincts,
correspondant à trois générations différentes, gravitent autour de
l'espace de la Cité-Jardin, un ancien territoire agricole à l'apparence
encore champêtre, peu-à-peu gagné par l'urbanisation des grandes tours
HLM. Entre l'espace lié à la nature, qui subsiste encore sous la forme
de terrain vague sauvagement envahi par les herbes, et les grands
ensembles bétonnés construits à la hâte dans les années soixante devenu
du temporaire de longue durée, un bâtiment est en train de surgir : les
archives de France. C'est sur fond de cette mémoire en boîte qu'évoluent
les personnages.
Ce sont d'abord les souvenirs d'une femme
aujourd'hui âgée, qui se souvient de sa jeunesse dans ce quartier
qu'elle n'a jamais voulu quitter. Potagers de l'enfance appelant aux
rapines, impasses feuillues de l'adolescence où échanger discrètement
les premières caresses, elle déplore aujourd'hui un quartier qu'elle
continue d'aimer mais qu'elle considère menacé par la population
immigrée entassée dans les tours voisines.
Où l'on trouve de jeune
adolescent, comme celui du deuxième récit, qui tournent en rond dans le
cercle restreint de leurs habitudes. Mais ce jeune personnage, attiré
par une fille, va dépasser les frontières invisibles du terrain vague
abandonné à la végétation, le "Champ", et ainsi commencer de s'ouvrir à
ce qui l'entoure. Il glisse du quartier de classe moyenne au trajet RER
vers Paris, et comme dans Corniche Kennedy l'amour adolescent, spontanné, devient la possibilité d'une ouverture sociale.
Le
dernier récit raconte la mémoire d'une petite fille de cinq ans :
fouillant en secret parmi ses trésors les plus précieux, elle cherche la
continuité mystérieuse de son identité dans les objets qu'elle a décidé
de garder. Un porte-monnaie Hello Kitty fait d'elle une vraie petite
fille aux yeux du monde ; un mouchoir volé à sa mère la rattache à une
tradition familiale volatile comme l'odeur qu'il renferme encore ; des
photos où elle se reconnaît plus ou moins montrent les changements de
son corps et lui permettent de se reconnaître.
En contrepoint des
textes, les photos montrent des paysages de végétation touffue dressée
devant une tour HLM, entre le terrain vague et le champ en friche.
Parfois, de dos, un personnage qui paraît solitairement enfermé dans le
silence et contempler avec mélancolie ces espaces mystérieux que l'homme
tolère et craint à la limite de son monde.
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