quinta-feira, 21 de junho de 2012

Ce cher mois d'août - Miguel Gomes - 2008

Réalisation : Miguel Gomes
Scénario : Miguel Gomes, Mariana Ricardo, Telmo Churro
Photographie : Rui Poças
Assistant caméra : Lisa Persson
Montage : Telmo Churro, Miguel Gomes
Son : Vasco Pimentel
Arrangements musicaux : Mariana Ricardo
Montage son : Miguel Martins, António Lopes
Décoration, costume : Bruno Duarte
Mixage : António Lopes
Interprétation : Sónia Bandeira (Tânia), Fábio Oliveira (Hélder), Joaquim Carvalho (Domingos, producteur de cinéma), Manuel Soares (Celestino), Andreia Santos (Lena), Armando Nunes (Gomes), Emmanuelle Fèvre (Fátima), Diogo Encarnação (Eric), Maria Albarran (Rosa Maria), Nuno Mata (médecin), Bruno Lourenço, Paulo Moleiro, Acácia Garcia, Luís Marante.

Production : O Som e a Fúria, Shellac Sud
Producteurs : Luís Urbano, Sandro Aguilar
Co-producteurs : Thomas Ordonneau
Directeur de production : Luís Urbano
Chef de production : Patrícia Almeida
Coordonateur de production : Cristina Almeida

De par tous les hameaux et les villages du Portugal, août est le mois des festivités, la période où tous ceux qui étaient partis à l'étranger ou dans les villes du littoral reviennent « à la terre » passer leurs vacances. Des bals populaires, des processions, des fêtes mémorables sont organisés, pendant que le pays, assommé par une chaleur ardente, brûle sous des feux constants. Voilà la réalité qui, dès le début, a été à la base de Ce cher mois d'août. Le film est centré sur la région d'Arganil, zone à proximité de la ville de Coimbra où le réalisateur possède une maison de famille et où il passe toujours ses vacances, faisant ainsi partie de ce mouvement migratoire qui se met en branle tous les ans en direction de l'intérieur du Portugal.

Mais le désir de faire le portrait de cette région, avec ses fêtes et ses concerts estivaux, n'a pas été le seul point de départ du film. Ayant déjà commencé à écrire le scénario en 2005, de concert avec Madalena Ricardo, collaboratrice avec qui il travaille depuis son premier court-métrage et qui assure les fonctions les plus variées – étant ici co-scénariste, mais aussi responsable des arrangements musicaux –, Miguel Gomes désirait réaliser un film qui enregistrât cette ambiance où la musique joue un rôle fondamental. Mais il prétendait l'aborder selon l'angle d'une histoire fictionnelle, c'est-à-dire dans le contexte d'un « mélodrame » sur les amours d'été, au sein d'un groupe de musique populaire, d'un « trio incestueux » qui aurait compté une jeune chanteuse, son père, et son cousin récemment arrivé de la grande ville. D'après ce que le réalisateur raconte dans une interview, une scène dont il a été témoin – lors de l'un de ces nombreux bals d'été qui ont lieu dans presque tout le pays – serait à l'origine du projet.


Cependant, déjà avant la fin de l'écriture du scénario, la production s'est complexifiée, et ce qui devait être une histoire relativement homogène et linéaire s'est rapidement transformé en quelque chose de plus complexe. À la vérité, la linéarité et l'homogénéité ne sont pas les caractéristiques qui décrivent le mieux les films de Gomes. Ils se divisent habituellement en plusieurs parties, avec des caractéristiques relativement différentes, comme pour le court-métrage Cantique des créatures, ou même dans son unique autre long-métrage, La gueule que tu mérites. Cela constitue une marque qui d'une certaine façon, passe de film en film, de même qu'une communauté de thèmes et de participants. Mais si Cantique des créatures ou La gueule que tu mérites – film sur la condition de trentenaire avec une atmosphère assez « régressive », connotée par des jeux et des plaisanteries de plusieurs hommes adultes qui se rassemblent dans une maison au milieu de la forêt – mettaient déjà en évidence cette hybridité (les premières minutes de Le visage que tu mérites se distinguent clairement du reste) en intégrant la division dans leurs structures, Ce cher mois d'août suit le même chemin, mais avec quelques différences. Face aux divisions plus explicites des films initiaux, qui reposent sur une bipolarisation claire, Ce cher mois d'août prend à contrepied le déroulement linéaire en proposant plusieurs lignes narratives de façon simultanée, qui se dessinent ou se diluent graduellement pour donner naissance à d'autres. Cette subtilité est d'ailleurs un des traits les plus intéressant et original du film, offrant au montage un rôle déterminant dans sa construction.

Des problèmes de manque de financement, à la veille du tournage d'un projet apparemment « plus conventionnel », ont ainsi déterminé la reformulation de l'idée de base en donnant naissance au film que nous voyons aujourd'hui et qui, dans l'une de ses nombreuses parties, fait le portrait du processus de production lui-même. Et c'est en ce sens (mais aussi en d'autre moins évidents) que Ce cher mois d'août est un exemple parfait du célèbre aphorisme de Godard : « Tous les grands films de fiction tendent au documentaire, comme tous les grands documentaires tendent à la fiction. [...] Et qui opte à fond pour l'un trouve nécessairement l'autre au bout du chemin. »


En empruntant ces termes, nous ne pouvons nous empêcher de rappeler que la polarisation documentaire / fiction est la question qui a occupé le plus d'espace dans les discussions à propos de Ce cher mois d'août. C'est aussi celle qui a alimenté une grande partie des discussions sur quelques-uns des meilleurs films qui ont été faits ces dernières années. Et, comme le clarifie le réalisateur même : « Je n'ai jamais eu l'intention de réaliser un documentaire et une fiction, et du reste je crois que le résultat n'est pas un « documentaire + fiction », ni un « documentaire versus fiction ». Le film est ce qu'il est en fonction des circonstances de sa production. » Ce qui durant presque une heure s'apparente à un « documentaire » portant sur les groupes qui jouent dans l'intérieur du Portugal et sur ses habitants, commence à se mélanger lentement avec un mélodrame d'été ainsi qu'avec une supposé dimension de témoignage de sa propre production qui, en réalité, tient beaucoup de la fiction. À la suite d'une première « partie » filmée pendant l'été 2006 en 16 mm (transposé en 35 mm) qui montre les fêtes des villages, tout le fil rouge sera retravaillé de façon à traduire l'impasse de la production. C'est cela que nous voyons : des habitants de la zone interviewés dans une première partie qui vont se transformer en personnages fictionnels ; des membres de l'équipe technique qui vont devenir des acteurs (le cas le plus révélateur est celui du directeur de production Joaquim Carvalho, qui interprète le rôle du père de Tânia) ; une équipe entière qui simule la construction d'un film (Miguel Gomes discute avec son producteur quant à la nécessité d'un casting, alors que dans la réalité on comprend que les « acteurs » ont déjà été choisis) ; tout cela faisant ainsi converger les différents niveaux du film dans une même direction.

Entre les prestation de (et sur) Paulo « Moleiro », personnage célèbre de la région, et le mélodrame d'un amour estival, ponctué par des chansons légères, qui soulignent la progression des sentiments des différents personnages en transformant le film en un musical, se dresse le pont de Coja sur la rivière Alva, d'où vient Paulo, et où s'embrassent les deux jeunes amoureux dans un plan impressionnant. Ce pont est un témoignage clair de la condition qui traverse tout le film, qui unit ses divers éléments, et qui lui confère toute sa force.

Joana Ascensão [trad. Piera Simon]


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