sábado, 19 de julho de 2014

Étranges Rivages (Arnaldur Indridason, 2013)

Sois brise, mon poème,
caresse les joncs du Styx
chante, apaise et endors
ceux qui attendent

Snorri Hjartarson

Ce n'est pas vraiment une enquête qui amène cette fois-ci le commissaire Erlendur à fouiller dans le passé des gens, bien plus son impulsion habituelle concernant les disparitions. Cette fois-ci l'histoire se passe dans les fjörd de l'est, sur fond de modernisation (une usine d'aluminium et un barage sont en train d'être construits). Erlendur passe son temps à interroger des personnes âgées de l'histoire desquelles peu de gens se souviennent ; à arpenter la région en voiture, dans le froid, pour exhumer des archives et des cadavres ; à questionner des chasseurs qui connaissent l'espace et en ont une maîtrise qui va parfois jusqu'à la collection de ce qu'ils trouvent sur la lande ; à visiter les cimetières.

Au cours du récit, on comprend qu'Erlendur poursuit un double but : expliquer la disparition de Matthildur, jeune femme qui se serait perdue sur la lande lors d'une tempête en 1942 dans des circonstances mystérieuses, et résoudre la disparition de son petit frère, qui le hante depuis le début de la série.


Les grands thèmes qui traversent la série des enquêtes d'Erlendur sont une fois de plus présents. L'importance de la mémoire, celle des personnes âgées surtout, et donc de la transmission orale, ainsi que les archives et les collections, plus ou moins liées aux obessions individuelles, est liée à la peur de voir la modernisation faire table rase sur le passé. "[...] les lieux étaient chargés d'une longue histoire et les gens qui vivaient ici avaient vu la société se transformer. La plus grande et la plus radicale de ces mutations était la construction du gigantesque barrage dans les terre inhabitées et de la fonderie d'aluminium dans le fjord voisin. D'une manière irréversible, le passé allait une nouvelle fois disparaître pour céder la place à des temps nouveaux." (p. 336) L'absence de traces ne permettra plus de revenir en arrière et d'avoir le fin mot d'histoires qui déterminent pourtant, suivant une constance d'Indridason, la suite de l'existence des personnes impliquées. Lorsqu'Erlendur parvient à résoudre l'énigme de la disparition de Matthildur, on peut lire : '"Il avait compris qu'il avait rompu une sorte de statu quo qui avait force de loi. En le rompant, il avait remis l'existence en mouvement." (p. 346)
L'apaisement ne vient qu'avec le fin mot de l'histoire et le repos des disparus.


Étranges Rivages, traduit de l'islandais par Eric Boury, ed. Métaillié, 2013, 352 pages.

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