quarta-feira, 16 de julho de 2014

La coupe du monde que les médias n'ont pas montrée...

[texte écrit collectivement à Belo Horizonte le 14 juillet 2014]

Le déroulement de la Coupe du Monde a donné lieu à la violation quotidienne d'un grand nombre de libertés et droits fondamentaux au Brésil, avec une intensité qui n'est pas sans rappeler les années sombres de la dictature militaire. Cette violence institutionnalisée dont a fait preuve le gouvernement brésilien, mise en pratique par sa Police Militaire pour garantir la réalisation du Mondial et protéger des intérêts privés, a atteint des proportions alarmantes. Ce texte a pour intention de briser le silence des médias nationaux et internationaux sur le sujet.
Les actions violentes pratiquées remettent au goût du jour le débat sur la démilitarisation de la police au Brésil, débat qui est pris de plus en plus au sérieux depuis les mouvements sociaux de juin 2013. La Police Militaire qui encadre les populations civiles au Brésil, telle qu'elle existe aujourd'hui, est un produit de la dictature militaire qui l'utilisait à l'époque comme principal outil de répression contre les opposants au régime. La lutte pour la fin de la Police Militaire a gagné du terrain depuis que l'ONU a recommandé, en 2012, la démilitarisation de la police brésilienne afin de garantir un plus grand respect des droits de l'homme dans le pays.
Cependant, le Brésil a rejeté cette proposition, et la tendance prise par les récents évènements semble aller dans une direction exactement contraire. Pour permettre la réalisation du Mondial, un grand nombre d’irrégularités, de violation de droits de l'homme et de pratiques anticonstitutionnelles ont crée un climat général d'insécurité. Les lois censées protéger les citoyens ont été violées ouvertement et réinterprétées selon des intérêts privés. De nouvelles lois ont été crées, dans un État d’exception, comme la Loi Générale de la Coupe et les décrets qui la réglemente. Il n'existe au Brésil plus aucune sécurité juridique. 
Le samedi 12 juillet 2014, à Rio de Janeiro, à la veille de la finale de la Coupe du Monde, des dizaines de personnes, connues par la police pour leurs opinions politiques, ont été arrêtées à leur domicile « préventivement ». En d'autres termes, ils étaient accusés d'un crime qu'ils pourraient avoir l'intention de commettre, sans aucun autre chef d'accusation. À l'heure où ce texte est écrit, ils sont encore en prison dans l'un des plus grands centre pénitencier de la ville. Cette pratique avait déjà eu lieu la veille de l'ouverture du Mondial. Il est arrivé que certains membres de la famille des « suspects » soient aussi arrêtés ou violemment menacés.
Depuis que la Coupe du Monde a commencé au Brésil, l'arrestation arbitraire de personnes sans justificatifs, suivie de tortures physiques et psychologiques est devenu un fait habituel .Les arrestations de journalistes sont également devenues banales, s'accompagnant souvent d'agressions physiques et d'intimidation ou encore du vol ou de la destruction de leur matériel de travail. Le jour de l'ouverture du Mondial la journaliste indépendante Karinny de Maglhães a été torturée et tabassée durant plusieurs heures dans un commissariat de Belo Horizonte, subissant un harcèlement moral et sexuel constant. Lors de la seule manifestation du 13 juillet, jour de la Finale, 15 journalistes ont été blessés par la police à Rio de Janeiro, dont certains roués de coup au sol, sous les rires des policiers. L'intimidation et l'usage de la force contre les avocats accompagnant les manifestations se sont également banalisés. À São Paulo, l'avocat Daniel Biral a été arrêté, passé à tabac et menacé de mort après avoir demandé l'identification d'un policier. À plusieurs reprises, la police n'a pas hésité à fabriquer de fausses preuves pour condamner des manifestants, comme dans le cas de Fabio Hideki, accusé de transporter des matériaux explosifs qui ne sont apparus qu'après son arrivée au commissariat et non pendant la première fouille qui s'est faite devant le public et les caméras. Des livres ont été saisis sur des manifestants, et utilisés comme preuve car considérés comme « subversifs », exemple de la persécution idéologique pratiquée par la Police Militaire ainsi que par l'État brésilien.
La police a usé fréquemment de gazs lacrymogènes et flash-balls contre des rassemblements totalement pacifiques, comme ça a été à Porto Alegre ou à Belo Horizonte, contre des familles qui occupaient un bâtiment publique pour exiger de meilleures conditions de logement. Il y a eu également plusieurs cas d'utilisation d'arme à feu contre les manifestants, notamment à Rio de Janeiro, fait qui a été documenté par les caméras de la presse indépendante.
L'interdiction d'accès à des espaces publiques et la violation du droit d'aller et venir sont devenus la norme, particulièrement aux alentours des stades ou des lieux de manifestation. Se sont reproduits, à plusieurs reprises, les encerclements policiers autour de manifestants, empêchant les personnes de circuler ou de se réunir durant de longues heures, notamment à Belo Horizonte et Porto Alegre, violant ouvertement le droit d'aller et venir et le droit de manifester, pratique courante dans les régimes autoritaires. Le droit de grève a également été littéralement réduit en miettes à São Paulo, lorsque la police s'est violemment attaqué aux employés du métro qui s'étaient mis en grève à la veille du Mondial, tandis que l'entreprise licenciait à tours de bras les salariés ayant participé au mouvement, en guise de punition. D'énormes contingents de la Police Militaire ont systématiquement encerclés, dans un clair but d'intimidation, chaque réunion publique, assemblée de rue ou événement culturel ouvertement contraire à l’organisation de la Coupe du Monde.
N'importe quelle fête populaire qui ne correspondait pas aux strictes normes imposées par la Fifa et le gouvernement ont été interdits ou même violemment réprimées, comme par exemple dans le quartier de Cambuci, à São Paulo, où des familles qui faisaient la fête après un match ont été attaquées par la police à coup de gaz lacrymogènes et de tirs de flash-balls, accusés de « tapage nocturne ». La violence contre la population sans domicile fixe s'est cruellement intensifiée, de nombreuses arrestations arbitraires ont eu lieu, souvent basées sur des critères raciaux. De la même façon, se sont intensifiés les contrôles de police basés sur des critères raciaux, sociaux ou politiques. Comme on pouvait s'y attendre, la violence policière à l'égard des plus pauvres s'est fortement aggravée. Durant la seule période du Mondial, au moins huit jeunes – six d'entre eux étant mineurs – et un enfant de trois ans ont été tués par la Police Militaire, dans la seule ville de Rio de Janeiro. Toutes les victimes étaient issus de favelas.
Cette énumération des faits a pour intention de donner une idée générale de la violence générée dans le pays, en raison de l'organisation du Mondial, et ne prétend en aucun cas être exhaustive.
Nous considérons que cette violence ne traduit pas uniquement la volonté d'étouffer toute forme contestation qui aurait pu gêner le bon déroulement du Mondial mais qu'elle possède une portée politique plus profonde. Cette répression acharnée semble être une tentative de museler par la terreur la culture de résistance et de lutte qui s'est renforcée et s'est répandue dans le pays depuis les grands mouvements sociaux de juin 2013. Dans un pays où, traditionnellement, la ségrégation et l'injustice sociale se reproduisent de génération en génération par la loi du plus fort, les tirs et coups portés visent en réalité à empêcher toute possibilité de contestation devant l'ordre établi et les injustices de la société brésilienne, cherchant par la même occasion à briser l'espoir de transformation sociale que cette possibilité abrite.

Ce texte a été écrit collectivement, à Belo Horizonte, le 14 juillet 2014.

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