sábado, 30 de outubro de 2010

Madman's Dictionnary (Benno Trautman - 2009)

Le titre s'affiche sur fond noir, en lettres jaunes, qui apparaissent une à une, comme si elles étaient tapées, irrégulièrement, avec en off le son des touches qui ne semble jamais s'accorder parfaitement avec l'apparition des lettres. Ce procédé revient sans cesse, structurant fortement le film. Les messages qui s'affichent - pas très vite, provoquant à la longue une certaine impatience, sans doute voulue, à moins que l'on n'en vienne à se demander : qui tape ? ou : pourquoi cette impression de pause après la première lettre ? n'est-ce pas par la première lettre que l'on cherche un mot dans le dictionnaire ? et pourtant l'ordre n'est pas alphabétique, et il me semble bien que le message précédent commençait par la même lettre... ou une autre ? - les messages, donc, sont de natures différentes. 


Techniques, descriptifs de ce que l'on a vu sur l'écran (une conduite avec marqué BR6 dessus, le message sera quelque chose comme : "BR6 = 6L/sec, acid, pipeline 6") ; parfois délivrant des conclusions mi-figues mi-raisin, absurdes mais vraies (comme "work = work of destruction" ou "adaptation = if acid persists, adapt fish to acid, make acid-fish") ; parfois commémoratifs ("In memorandum of Hirsohmia and Nagasaki, august 6 and 8/1945"). 

Et entre cela, des plans fixes, images de ruines dans lesquelles on progresse par violents raccords dans l'axe, et qui sont, on le comprend ensuite, la centrale de Tchernobyl où l'on cherche désespérement des yeux le carcan de béton supposé protecteur, ou un immeuble vide qui va être démoli en s'aspirant lui-même dans un nuage de fumée grise ; images de chantier, les fascinants entrecroisements des marques des pneus des véhicules dans la terre grasse ("caterpilar = death for earthworn") ; d'une forêt aux arbres marqués de chiffres blancs ; d'un lac à l'eau marronasse.

L'humain n'intervient jamais humainement : via la machine : celle qui va découper méthodiquement l'arbre en morceau en quelques secondes (et l'on n'en voit que le bras mécanique et habile) ; via des mains gantées et professionnelles (remplissant des tubes à essai d'eau, découpant un cerveau humain en lamelles sanglantes) ; via un corps mécanisé (faisant des signes avec rigidité à un hélicoptère pour que celui-ci se dirige vers la piste). 

On passe d'une séquence à l'autre par un lien ténu quoiqu'existant, mais qui choque par son arbitraire - comme un dictionnaire de fou, ou la cohérence n'a pas sa place, ou plutôt, où il n'y a pas d'hésitation à choisir un mot plutôt qu'un autre, selon des criètres qui échappent mais que l'on tente en vain de comprendre. Pourtant le film fait joyeusement le tour des capacités humaines à faire des conneries : destruction d'immeuble, mine antipersonnelle (guerre), Tchernobyl, Hiroshima (nucléaire), érosion, pipeline, déforestation, pollution de l'eau. On finit sur un amphi de médecine vide que seul peuplent un écran allumé et blanc, et un cerveau coupé en rondelles : en plus des sons lancinants - répétitifs quoiqu'avec des variations - désagréables, métalliques, aigus, machiniques, obsédants (surtout les touches des lettres jaunes), le fim impose vraiment son rythme et ses images, constatant de façon parcellaire - mais affirmant du même coup qu'un vision globale n'est pas permise, serait déformée, artificielle - mais selon un principe absurde et incontrôlable. A l'image du monde que l'homme (fou) construit, en somme.

nota : on pourrait penser que l'on n'a affaire qu'à une caricature du réel. C'est-à-dire qu'en s'attachant à un détail, ce détail, qui a un sens dans un contexte, apparaît absurde - voire risible. Mais la façon dont le film est fait évite cet écueil : on a plus affaire à des condencés représentatifs, c'est-à-dire qu'aussi serrée et difficile à suivre que soit la structure du film, non seulement elle ne nous perd jamais, mais en plus elle s'arrête sans cesse à des choses qui suggèrent bien plus que ce qu'elles sont. Le film fonctionne par appel à voir plus large - par métonymie, si l'on veut (ou par synecdoque, j'ai toujours eu du mal à faire la différence). Cela le distingue nettement de Good and Evil ou Life in Denmark de Jorgen Leth, bien que leurs structures systématiques puissent amener à faire le rapprochement : du coup les films de Leth jouent sur l'humour noire, tandis que Trautman est bien plus inquiétant. Il pousse plus à s'interroger sur des liens en apparence illogiques, mais que le film crée et laisse flotter (comme des cerveaux dans du formol) après que les lumières se soient rallumées. 

[pour voir le film --> Viméo]

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