quinta-feira, 20 de setembro de 2012

"La mise en scène chez Pierre Perrault" par Michel Marie

[à Unicamp, en avant-première sur la paraît-il à venir conférence parisienne]

Dans le cadre de la rétrospective Pierre Perrault organisée par l'association Balafon, comprenant en outre un colloque international à Belo Horizonte, ses films sous-titrés en portugais ont circulé à travers le Brésil pour arriver à l'espace culturel Casa do Lago d'Unicamp. Une conférence de Michel Marie, enseignant-chercheur rattaché à Paris 3 et venant de terminer un semestre de séminaires à Unicamp, est venu compléter la rétrospective.


J'ai donc eu l'occasion de voir Le règne du jour (1967) avec des sous-titres portugais (dont j'étais la seule à bénéficier malgré la rareté du fait - le spectateur francophone a accès à l'intégralité de l'oeuvre du cinéaste sur le site de l'Office National du Film). Je n'étais pas mécontente d'avoir les sous-titres à dire vrai, vu l'accent des protagonistes, qu'ils soient paysans québécois ou normands...


Pierre Perrault

Saisir la parole vécue
Dans le cinéma documentaire, à la différence du cinéma de fiction, la mise en scène n'est pas organisée à l'avance. Pour Pierre Perrault, « c'est la vie qui met en scène », non pas le cinéaste. Ce qui peut apparaître contradictoire, car il lui arrive de créer des situations de toute pièce – par exemple organiser une pêche qui n'a pas eu lieu depuis trente ans – mais cela dans le but de « filmer la parole vécue. » La situation, qu'il s'agisse de pêche, de chasse, de discussion politique, devient le moyen d'enregistrer un dialogue spontané. Alors que la fiction reproduit la vie par le biais de l'imaginaire, le « cinéma du vécu » enregistre la vie même. Le matériau est la vie, l'instrument le cinéma direct.
Pour cela, il faut savoir saisir l'occasion. Souvent le tournage d'un film devient, chez Perrault, l'occasion d'un autre : lorsqu'il filme Un pays sans bon sens, l'une des séquences deviendra Acadie, Acadie ; le matériau filmé des Montagniers permettra de réaliser le Pays de la terre sans arbres. Il faut donc garder une disponibilité entière aux hasards du tournage. Savoir attendre, c'est métaphoriquement ce qui se retrouve dans la plupart de ses films : le pêcheur, le chasseur, à l'égal du cinéaste, mettent en place un dispositif qui permet de tuer la proie, de capturer l'occasion, de saisir la situation.
Perrault ne filme jamais des entretiens. Le voyage en France de Le règne du jour, la construction de bateaux en bois, la chasse à l'orignal de La bête lumineuse sont autant d'occasions de faire naître la parole. Lors du tournage de Pour la suite du monde, le cinéaste raconte qu'alors qu'il est dans la cuisine d'Alexis Tremblay, avec son « sac de questions », arrive le fils de ce dernier : « au lieu d'obtenir une réponse, ou même deux réponses, j'enregistre un dialogue qui bien sûr abouti à une controverse. Un épisode de vie plus qu'un récit. Je ne suis plus dans le passé du récit, je suis dans le présent de la controverse. Je ne suis pas encore tout-à-fait dans la parole vécue, mais j'ai déjà un pied dans l'actualité, dans le présent de la parole. » Les protagonistes oublient la présence du cinéaste : « Je viens de découvrir un nouvel état de la parole : le dialogue. » Dans La bête lumineuse, le groupe des chasseurs n'est quasiment jamais vu chassant, mais chacun par contre parle beaucoup, se querelle, se chamaille, se provoque.

Le pays, le royaume
L'hypothèse créatrice qui traverse le cinéma de Perrault est celle du pays, du royaume. On en trouve la trace jusque dans les titres de ses films (Un pays sans bon sens, Un royaume vous attend), mais ce qui l'intéresse surtout est de trouver des personnages qui lui permettent de véhiculer cette idée. Dans Un pays sans bon sens, un biologiste de Québec, fédéraliste, oppose son point de vue à un francophone de l'Alberta qui, isolé dans cet état à majorité anglophone, est convaincu que les francophones doivent avoir un pays autonome.
Lorsque dans les années 1970 Perrault obtient des subventions de l'Office National du Film pour faire un documentaire sur un contesté barrage hydroélectrique (« Baie James »), le projet prend une toute autre tournure avec le désir du cinéaste de chercher « quelqu'un avec l'idée de royaume ». « Je ne filme jamais les gens que je n'aime pas », affirme-t-il, et visiblement les électriciens et les ingénieurs d'Hydroquébec ne satisfaisaient pas ses critères. Il rencontre un paysan qui s'attache à cultiver un morceau du Québec – un morceau du royaume – et c'est à partir de cette première rencontre que six ans de tournage mèneront à la réalisation de la série sur l'Abitibi (quatre films) et sur les Montagniers (deux films). « Le sentiment de conquête, la recherche du goût du royaume, je l'ai trouvé chez Maurice Lalancette », comme il le trouvera aussi, pour le cycle de l'Île-aux-Coudres, chez Alexis Tremblay et Grand Louis.

Le temps du montage
Le cinéaste choisi les protagonistes qu'il filme (même s'il affirme que ce sont eux qui choisissent), et il filme ensuite longuement : un an de tournage est nécessaire à Pour la suite du monde ; le cycle sur l'Abitibi et sur les Montagniers demandera dix ans au final. Le montage demande des mois, voire des années, pour passer d'une centaine d'heures de rush à deux heures de film. Perrault est convaincu que le montage permet de découvrir la vérité du tournage, qu'il n'existe qu'une seule façon de monter le film correctement. Le montage est la révélation du tournage. « Monter, c'est associer, dégager le contenu en vrac dans le tournage. Je fais le montage contenu dans le tournage. La vie se met en scène, le tournage se met en montage, il ne me reste plus qu'à obéir. »

Sem comentários:

Enviar um comentário