sábado, 8 de setembro de 2012

Lisboa #1

Les pieds s'abaissent doucement et palpent avec précaution (puisque leurs sens s'aveuglent, éblouis, abasourdis de clameurs, des rayons du soleil) le caoutchouc rugueux et amoli de chaleur de chaque marche, et elles chassent vaguement devant elles, d'un même incertain geste ample, la brutale agression du souffle argenté, réfracté, condensé sur les parois brûlantes, brillantes, plastifiées, lisses, du car, exhalé de la moiteur humide, épaisse du goudron, engorgé là de tout ce qui s'y entrecroise – éclats de lumière réfléchis par les vitres, chuintements des verins luisants gainés d'accordéons de plastique noir, ronflements sourds et réguliers des moteurs, et par-delà : les conversations chantantes par bribes, des sons.


je vais tâcher de trouver une carte dit l'une, et elle s'avance au centre du tournoiement des trajectoires de couleurs et de clameurs (le hall sombre de la gare, les échos soudain répercutés emplissant l'élégante structure d'acier élancée, les cars massifs confondus, la foule grouillante), et elle s'en retourne bredouille, et elles délibèrent autour de deux cigarettes en basant leurs pronostics sur de savantes observations comme : les perceptibles courants organisant la foule, ou comme : la couleur de la veste du type là-bas tu as vu ? ou comme : le logo « M » rouge sur fond blanc, ou encore : on verra bien ; et elles marchent sous le soleil dans la moiteur de leurs sueurs, les gouttes condensées sous les aisselles, retenues par les sourcils, poisseuses au creux de la main crispée autour de la poignée du sac, agglutinées dans les pliures des muscles bandés, absorbées par les tissus pourtant flottants, pourtant légers. Elles suivent l'ombre déchiquetée des arbres. Effectuent des haltes pour boire. S'enquièrent avec force gestes auprès des passants de la conformité de la trajectoire effectivement effectuée avec celle virtuelle élaborée à partir des entrecroisements imprimés des cartes consultées à chaque arrêt de bus (elles-mêmes renvoyant à quelques mots précieux inscrits avec élégance au bas d'une page de papier quadrillée, eux-mêmes renvoyant à une tangible clef et à une moins tangible entrevue déjà assourdie par la brume confuse du souvenir : « tu verras, un immeuble jaune, je ne sais plus l'adresse exacte, c'est au coin de la rue, en face d'une église » avait-elle dit, et j'étais partie en emportant le bout de papier quadrillé où son écriture se mélangeait à la mienne, en serrant le porte-clefs de feutre coloré en forme de fleur – une marguerite – stylisée).

L'espace parce qu'inconnu et immense se promettait aventure. Courage ! Une fois cette bande de soleil passée nous aurons toute cette ligne droit à l'ombre, disait l'une. Et l'autre demandait dans un souffle : nous reste-t-il de l'eau ? Et l'autre lui montrait la bouteille en plastique où la chaleur condensait le liquide qui en opacifiait les parois. Elle secouait la bouteille et la bouteille redevenait un instant transparente, par plaques irrégulières où glissaient des gouttes bleutées. Et elle disait : à peine, nous sommes perdues, avec un ton voulu d'emphase dramatique. Elle ajoutait que la ville semblait hostile et peu civilisée, sans doute dépourvue d'eau courante. Mais l'autre la rassurait : peut-être pas. Après tout, au soleil, la pesanteur est plus forte que le déséquilibre.

Et puis elles marchaient en silence, en écoutant les gouttes de sueur glisser un peu plus à chaque claquement de pas, en rythme avec les tressautement de la valise sur les pavés luisants.

Sem comentários:

Enviar um comentário